Le 72

Minuit, l'heure où l'on écoute

Au fond, que va-t-il se passer ce soir?  —Eh bien, tout au fond, il ne va rien se passer du tout!  Il sera  minuit, comme toutes les nuits.

Pourquoi guetter ce minuit-là plus que les 364 autres?  Le calendrier va-t-il faire un miracle?

Peut-être quand même un peu.

Car il va se passer ce soir que nous allons, pour une fois, réfléchir à ce qui se passe tous les soirs.  Là sera la nouveauté.

Chaque jour est une année en petit.  Chaque soir on pourrait faire le bilan que nous ferons ce soir.  Les heures pourraient accourir à la fin de chaque journée, comme les douze mois passés accourent en ce 31 décembre, pour nous inviter à faire nos comptes.

J’ai été… j’aurais pu être…

Minuit, c’est l’heure où l’on écoute le passé qui s’en va, et où l’on écoute l’avenir qui vient…

Tu as été, tu aurais pu être, tu es, tu seras… conjugaison de mes jours… temps de ma vie…  Chaque jour qui vient je choisirai encore, je déciderai… je croirai… je douterai… et ainsi, chaque jour encore, ma vie basculera dans la Lumière… ou dans la nuit!

Philippe Zeissig, Une minute pour chaque jour

Un chemin dans notre désert

Les voix qui, à travers les siècles, ont annoncé Noël parlent d’un chemin traversant le désert.

Nous habitons loin des déserts, mais nous les connaissons bien.  Il y a une géographie de la vie qui montre que les déserts sont en nous.

Ni Sahara, ni Sahel, mais désert de l’inquiétude, désert du doute, désert des séparations et, le plus grand de tous, désert des peurs: il s’enfonce jusqu’à l’horizon de la mort.

Maintenant, un chemin, bien sûr, ça ne supprime pas le désert, ni la marche, ni la soif, mais ça rend la confiance qui est le moteur de la vie.

Quand, dans une forêt, on s’est perdu un peu, et qu’un certain malaise commence à s’installer, c’est vraiment une bonne nouvelle que d’entendre quelqu’un crier: “Par ici!  Venez!  Il y a un chemin!”

La force d’un chemin, c’est notre certitude qu’il n’est pas l’ouvrage du hasard; que s’il existe il ne peut pas mener perdre; qu’il conduit évidemment quelque part.

Arrivés au chemin, on est pratiquement encore au même endroit qu’à l’instant, quand on était encore perdu: mais on n’est plus perdu; voilà la différence.

“Je vais, dit Dieu, tracer un chemin dans vos déserts.”

Le pin nordique

Jacques 1.3-4: “Mes frères et sœurs, considérez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que la mise à l'épreuve de votre foi produit la persévérance.”

“Madame, je voudrais acquérir une bibliothèque pour accueillir mes livres d’art, plutôt lourds; mais il faut que vous le sachiez, s’il y a une chose que je ne supporte pas, ce sont les étagères qui ploient sous leur charge!
— C’est peu esthétique, en effet.  Mais ne vous inquiétez pas, j’ai ce qu’il vous faut.  Là, regardez ce modèle tout nouveau…
— Oui, mais qu’a-t-il de spécial, outre le fait qu’il est charmant?
— Il est en pin nordique.
— En pin nordique?
— Vous ne connaissez pas?
— Non.
— C’est un bois ultra résistant.  Rien à voir avec les pins du sud.  Et vous savez pourquoi?
— Non, mais vous allez me le dire.
— Dans les conditions climatiques nordiques, les croissances verticale et diamétrale du pin sont lentes ; ses couches annuelles sont donc plus régulières et son duramen de meilleure qualité.
— Son duramen?
— Oui, sa partie centrale; son “cœur”, si vous préférez.  Il a une maturité que celui d’un bois juvénile n’a pas.  D’où son étonnante résilience.  Et donc ma promesse: vos livres d’art, croyez-moi, ne parviendront pas à le cintrer…”

La leçon est claire: c’est l’adversité qui produit la résilience, pas le confort.

Nous demandons régulièrement à Dieu des circonstances favorables; un “climat” agréable, en quelque sorte: plutôt doux et ensoleillé; une sorte de printemps permanent; ou d’été indien qui ne finirait pas.

C’est normal, dès lors que notre confort est au cœur de nos préoccupations.

Le problème est que la dolce vita ne produit jamais que des êtres immatures: instables, frêles, friables. 

Or, le souci de Dieu est que nous devenions tous des êtres mûrs, au contraire: stables, costauds, résistants.

C’est pourquoi il permet que nous soyons régulièrement testés: parce que ce sont les circonstances défavorables de la vie qui rendent résilient; aussi résilient que le pin nordique qui, quelle que soit sa charge, jamais ne ploie.

PA

Signes extérieurs de richesse intérieure

Romains 12.12: “Soyez joyeux en espérance, patients dans l’affliction et persévérants dans la prière”.

Question: comment Dieu nous veut-il?  Réponse: joyeux, patients et persévérants.  Tout simplement.

Joyeux d’abord.  Non en raison d’une inclination naturelle au bonheur ou d’un traitement de faveur dont nous serions les heureux bénéficiaires, mais à cause de l’espérance qui est la nôtre.  D’où notre joie, que rien ni personne ne peut nous ravir.  Une joie qui, lorsqu’elle n’affleure pas, mais reste souterraine, n’en est pas moins réelle et intense.

Sommes-nous joyeux ce matin, de cette joie qui se nourrit d’un regard appuyé vers l’avenir infiniment glorieux que nous a ouvert la grâce divine?

 

Patients ensuite.  Il n’y a pas de raison que nous n’ayons pas notre lot de souffrances ici-bas.  Comme les autres.  Et que nous ne connaissions pas, nous aussi, affliction, détresse, abattement.  Notre différence, c’est dans notre manière de faire face à l’adversité qu’elle apparaîtra le plus nettement.  Déterminés que nous sommes à ne pas laisser les épreuves, quelles qu’elles soient, nous détacher de Dieu, nous nous accrocherons; et avec les forces qu’il nous donne, nous tiendrons bon.  Jusqu’à l’heure, toute proche désormais, de la délivrance. 

Sommes-nous ce matin de ceux qui sont connus pour leur étonnante endurance dans les situations douloureuses qu’il nous arrive de connaître?

 

Persévérants enfin.  Dans la prière.  Parce que, de tous les exercices spirituels, la prière est sans doute le plus difficile.  Or, s’il en est un dont nous ne saurions nous passer, c’est bien celui-là.  Qui nous assure l’ensemble des grâces dont notre communion avec Dieu est la source unique.  D’où l’appel d’un certain Pierre, expert en matière de faiblesse humaine, à vivre d’une manière raisonnable et sobre, de telle sorte que nous puissions consacrer au dialogue avec Dieu le temps qu’il mérite.  Dans notre intérêt.  Mais pour notre bonheur aussi, et celui de notre Père.

Sommes-nous ce matin de ceux qui font de la prière une priorité dans leur vie?

Puissent la joie, la patience et la persévérance compter aussi parmi les signes extérieurs de notre richesse intérieure.

PA

Fraternité

Colossiens 1.2: “[…] aux saints qui sont à Colosses, nos fidèles frères et sœurs en Christ […].”

Nous l’écrivions la semaine dernière, l’air de rien, l’apôtre Paul nous rappelle ici en deux mots notre double vocation en tant que chrétiens: “sainteté” et “fraternité”.  Quelques mots ce matin sur la seconde.

Fraternité

C’est de nos rapports au sein de l’Église qu’il est question cette fois.  Qui sommes-nous les uns pour les autres?  Des frères et des sœurs.

En même temps que Dieu, dans sa grâce, se réconciliait avec nous en Jésus-Christ, il nous “ré-engendrait” par son Esprit, faisant de nous, qui croyons, ses fils et ses filles.  C’est pourquoi nous l’appelons “Père” désormais.  Et que Christ est notre “frère”, notre frère aîné.  C’est pourquoi aussi nous sommes “co-héritiers” avec lui, Christ, de toutes les richesses spirituelles qui sont en Dieu.  Excusez du peu!

Mais si notre nouveau statut de fils et de filles de Dieu est d’abord un privilège insigne, il est ensuite une haute vocation.  Étant tous enfants du même Père, il est attendu de nous que nous nous comportions les uns à l’égard des autres comme de vrais frères et sœurs.

L’appel qui nous est adressé est à former tous ensemble une vraie famille, dont l’unité, la cohésion et l’harmonie feront les délices de son divin Chef.

On choisit ses amis, pas ses frères et sœurs.  Et le fait est que, parmi ceux qui nous sont donnés, il en est certains qui ne sont guère aimables.  Que faire alors?

Une chose très simple: retourner chaque jour, humblement, à la source unique de l’amour pour y puiser les ressources dont nous avons besoin pour faire de mon boulet de sœur ou de mon frère borné rien de moins qu’un “bien-aimé”.

Et si je décidais, ce matin, de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que mon Église aussi ressemble à une joyeuse maisonnée?

Pour la joie et la gloire de celui qui s’est voulu… notre Père à jamais.                                   

PA

Sainteté

Colossiens 1.2: “[…] aux saints qui sont à Colosses, nos fidèles frères et sœurs en Christ […].”

L’air de rien, l’apôtre Paul nous rappelle ici en quelques mots notre double vocation en tant que chrétiens : “sainteté” et “fraternité”.

Sainteté

C’est de notre rapport au monde qu’il est ici question.

“Dans le monde” pour un temps encore, nous ne sommes déjà “plus du monde”.  Dieu nous a “rachetés” à grand prix, nous dit la Bible.  C’est à lui, et à lui seul que nous appartenons désormais.

“Saints”, nous le sommes donc dans ce sens: “mis à part” et “consacrés” par lui pour son service.

Mais quel service?  Celui qui consiste pour l’essentiel à “le glorifier” devant toutes celles et tous ceux que nous côtoyons et qui ne le connaissent pas encore.

Oui, le glorifier.  C’est-à-dire?

C’est-à-dire – pardonnez-moi la formule – faire sa publicité!  Par quoi j’entends manifester clairement le changement, que dis-je? le bouleversement que son irruption dans notre vie a produit en nous.

En d’autres termes, le donner à voir en vivant, nous, autrement.  Comme celui qui l’a si parfaitement traduit, tant par ses actes que par ses paroles: Christ.

Telle est notre fonction dans le monde enténébré auquel Dieu n’a pas souhaité nous arracher trop tôt: afficher notre différence.

Pour quoi?  Pour que ceux qui nous entourent la remarquent et que, touchés par notre belle manière d’agir, écrit Pierre, eux aussi rendent gloire à Dieu au jour de son intervention (1 Pierre 2.12).

Plaise à Dieu que, pas plus tard qu’aujourd’hui, nous intriguions le monde par la singularité de notre façon de penser, de parler, d’agir, en un mot: de vivre.

Pour son honneur.

Et notre bonheur, puisque “saints” devant Dieu et les hommes, nous aurons enfin commencé de nous montrer dignes de notre vocation.

PA

La vérité dans l'amour

2 Jean 3: “Oui, la grâce, la compassion et la paix seront avec nous dans la vérité et l’amour.”

La grâce, la compassion et la paix: que demander de plus?

La grâce, qui couvre nos fautes, toutes nos fautes, et fait pleuvoir sur nous bénédiction sur bénédiction.

La compassion, qui nous assure d’être non seulement compris, mais également accompagnés, que notre esprit soit en fête ou en deuil.

La paix, que suscite et répand en nous la certitude que Dieu ne nous en veut plus et que nous sommes à jamais les cibles de son indéfectible amour.

Oui, que demander de plus?

Et ce que nous annonce Jean, ici, est que ce cadeau, précieux entre tous, nous appartient déjà.  “Dieu le Père et Jésus-Christ, le Fils du Père” nous en ont fait la surprise.  Si, du moins, l’on peut dire de nous que nous sommes à la fois dans la vérité et dans l’amour.

Dans la vérité, déjà.  Autrement dit, connus pour être attachés à la vérité par excellence, savoir, celle de l’Évangile de Jésus-Christ.  Et pour vivre à sa lumière, bien résolus que nous sommes à ne pas nous écarter du chemin qu’elle éclaire.

Dans l’amour ensuite.  Entendez, réputés pour notre bonté, notre générosité, notre patience, notre compassion, notre bienveillance à l’égard des autres, et de nos frères et sœurs en la foi en particulier.

Liés, donc, aux autres autant qu’à la vérité, et à la vérité autant qu’aux autres.  D’où notre double ambition: aimer, mais dans la vérité, et dire la vérité, mais dans l’amour.

Car, comme l’écrit John Stott, “notre amour s’affaiblit, s’il n’est pas fortifié par la vérité, et la vérité se durcit si elle n’est pas adoucie par l’amour.”

Plaise à Dieu que, riches de la grâce, de la compassion et de la paix divines, nous osions afficher notre différence en combinant heureusement passion pour la vérité et égards pour tous.

PA

Je ne ressens rien!

Je me souviens d’elle avec émotion; une fidèle parmi les fidèles; plus de soixante années déjà au service de son Maître.

Ce jour-là, pourtant, elle demande à me voir. Au ton de sa voix, je devine que c’est urgent. Je la reçois le jour même.

Une larme coule sur sa joue. Puis une autre.

“Paul, me dit-elle, j’ai peur.
— Peur de quoi?
— Peur de mourir.
— Pourquoi?
— Parce que je crains de ne pas aimer Jésus comme je le devrais.
— Mais qu’est-ce qui vous fait dire cela?
— J’essaie, vous savez. Mais je ne ressens rien.
— Je ne comprends pas.
— Je lis sa Parole, je prie; je lis encore, je prie de nouveau… Et rien!
— C’est-à-dire?
— Aucun frisson. Vous savez? Comme quand on aime vraiment…”

Qui n’a jamais connu ce sentiment ni partagé cette crainte? À croire que l’on a oublié cette parole de Jésus —Jean 15.14: “Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.”

L’amour, pour Jésus, est moins un sentiment, forcément fluctuant, qu’une ferme résolution: celle de rechercher sa volonté pour l’accomplir.

La question ne devrait donc pas être: “Ai-je l’impression d’être ‘amoureux’ de lui?”, mais plutôt: “Mon ambition de chaque jour est-elle de lui plaire entièrement?”

Car ceux qui s’efforcent jour après jour de marcher d’une manière digne de lui sont ceux qui l’aiment vraiment. Qu’importe si leur cœur ne bat pas la chamade chaque fois qu’ils entendent prononcé le nom de Jésus!

Et Jésus est leur ami. Or, y a-t-il bonheur plus grand que celui-ci: se savoir ses amis?

PA

Sans murmures

Ph 2.14: “Faites tout sans murmures ni contestations afin d’être irréprochables et purs, des enfants de Dieu sans défaut au milieu d’une génération perverse et corrompue.”

Quelle peut bien être notre vocation spécifique, à nous chrétiens, dans le monde d’aujourd’hui?  Que pouvons-nous apporter à une génération que Dieu ne peut qualifier autrement que de “perverse et corrompue”?

Réponse de l’apôtre Paul: un exemple.  L’exemple d’un comportement “irréprochable”, “pur” et “sans défaut”.  Sachant que, pour lui, il n’est pas de comportement irréprochable, pur et sans défaut devant Dieu sans… bonne entente!

D’où son injonction aux chrétiens de Macédoine à rejeter une bonne fois et en bloc “murmures” et “contestations”.

Intéressant, non?  Notre mission dans le monde: nous distinguer par la concorde qui prévaut parmi nous.  En finir, donc, une bonne fois, avec nos chamailleries, bisbilles, prises de bec, disputes, et autres querelles –c’est la signification du mot “murmures”–, autant qu’avec nos discutailleries –c’est l’autre sens du mot “contestations”.

Pourquoi?

D’abord, parce qu’elles sont une offense faite à Dieu.

Ensuite, et surtout ici, parce qu’elles privent nos contemporains d’un repère essentiel: celui d’une conduite si différente qu’en forçant à s’interroger sur son origine, elle mène fort logiquement à Dieu.  “Qu’ils soient un, prie Jésus, pour que le monde croie.”  C’est, on le voit, sur l’harmonie surnaturelle régnant parmi les siens qu’il compte pour attirer le monde sur le chemin du salut.

Si donc notre projet est bien d’entrer dans celui de Dieu, et d’offrir à notre génération un signe qui lui permette de voir enfin clair et, qui sait? de réorienter sa course, œuvrons à faire disparaître du milieu de nous murmures et contestations.

Et tissons entre nous des liens d’amour fraternel.

Le meilleur service que nous puissions rendre à nos contemporains est d’être des “artisans de paix” dans l’Église!

PA

Fais de l'Éternel tes délices

Psaume 37.4-5: “Fais de l’Éternel tes délices, Et il te donnera ce que ton cœur désire. Recommande ton sort à l’Éternel, Mets ta confiance en lui, et il agira.”

Puissions-nous entendre tous cet appel du psalmiste aujourd’hui, et cesser une bonne fois de chercher notre plaisir ou notre sécurité ailleurs qu’en lui.

Lui seul peut nous combler vraiment en nous accordant tout ce qu’il sait, lui, nécessaire à notre plein épanouissement.

Lui seul peut nous secourir dans les moments difficiles qu’il arrive que nous connaissions.

Recherchons donc sa communion; réjouissons-nous en lui; et, ce faisant, constatons combien il peut être généreux à l’égard de ceux qui l’aiment.

Mais pas seulement: abandonnons-nous entre ses mains; remettons-lui notre vie; faisons-lui confiance en toutes choses; et, ce faisant encore, nous pourrons vérifier qu’il est un sûr abri pour qui se réfugie en lui et s’attache à lui.

Déchargeons-nous enfin sur lui de tous nos soucis; et nous ne tarderons pas à nous émerveiller devant le soin qu’il prend de nous.

Notre Dieu est un Dieu admirable.  Et il est si proche!  Ne négligeons ni les délices que sa fréquentation procure ni l’assurance que sa présence inspire.

PA