Apocalypse 12.4b : “Le dragon se plaça devant la femme qui allait accoucher, afin de dévorer son enfant dès qu’il serait né.”
Comment, en contemplant une nativité, imaginer un instant que l’heureux événement marque en réalité le début du plus grand conflit de tous les temps ?
Pourtant, ce qui se trame derrière cette scène charmante est un complot aux dimensions cosmiques. C’est comme si cette naissance anodine en apparence était un signal de bataille.
Essayons de comprendre.
Tous ne le savent pas encore, mais le nouveau-né qui vient de pousser son premier cri n’est pas n’importe qui : c’est le Messie ! Celui, attendu depuis des siècles, qui, tel un soleil, s’élèvera bientôt pour éclairer ceux qui sont perdus dans l’ombre de la mort et diriger leurs pas sur le chemin de la paix*.
Dès lors, faut-il s’étonner que celui qui jusque-là tenait les hommes captifs réagisse violemment ? Comment pouvait-il demeurer passif, lui, le prince des ténèbres, alias “dragon rouge feu”, devant celui paru pour le combattre, piller son empire et le mettre à jamais hors d’état de nuire ?
C’est pourquoi, sitôt l’enfant né, le serpent venimeux ouvre les hostilités. Il n’est que de lire la suite du chapitre pour prendre la mesure de l’affrontement. Un choc d’une violence extrême, unique dans l’histoire du monde et des hommes.
De fait, le duel, auquel viennent aussitôt se mêler d’autres forces vouées au service de l’un ou de l’autre**, durera plus de trente années. Trente-trois, pour être précis. Trente-trois années au cours desquelles le monde des ténèbres se livrera à la plus effroyable des chasses à l’homme. Quelles ruses, en effet, son chef aux abois n’emploiera-t-il pas pour égarer, sinon saisir et détruire, celui venu le défier sur son propre terrain ? Que ne tentera-t-il pas pendant tout ce temps pour neutraliser enfin, après l’enfant de Bethléhem, l’homme de Galilée, de Gethsémané et du Golgotha ?
Trente-trois années d’assauts meurtriers, donc.
Meurtriers, mais vains. L’enfant devenu homme, résistera. “Les yeux lucides, le cœur pur, en perpétuel contact avec son Père”*** , il déjouera magnifiquement tous les pièges qui lui seront tendus. Mais au prix de quelles souffrances, de quelles angoisses, de quelles agonies ?
Et pour quel résultat ? La Croix !
Triomphe redouté du dragon sur l’enfant-sauveur ? À première vue, oui. Mais à première vue seulement.
Contrairement aux apparences, ce ne sont pas ses coups qui auront raison finalement de Jésus, mais… Dieu lui-même ! Qui choisira de l’abandonner aux mains des hommes après qu’il se sera chargé de tous nos péchés pour en payer à notre place le juste —mais ô combien terrible— prix !
La Croix, donc, loin d’être la victoire tardive de Satan, sera sa défaite absolue. Car par elle, une foule innombrable, après qu’elle aura été saisie et arrachée au ténébreux empire du dragon, découvrira, éblouie, la merveilleuse lumière de la vie.
Et ce n’est pas tout ! Après qu’il aura été sévèrement dépouillé, le “serpent ancien", rapporte Jean, sera bouté hors du ciel ! Et bientôt écrasé, détruit pour toujours !
Comment, sachant tout cela, ne pas contempler différemment l’enfant de Bethléhem ?
* Voir le cantique de Zacharie en Luc 1. ** Verset 7. *** Brütsch, La clarté de l'Apocalypse, 207.