1 Thessaloniciens 5.16: “Soyez toujours joyeux.”
Étonnant, non? Choquant même, peut-être. Paul a-t-il donc si peu vécu qu’il ignore que l’épreuve n’est pas l’apanage des inconvertis? et que nous aussi pouvons être éprouvés au point que les larmes, plutôt que les rires, soient notre lot?
Nous qui connaissons un peu l’apôtre ne pouvons le suspecter d’avoir de l’existence une vue idyllique, sans rapport aucun avec sa dure réalité. S’il en est un qui sait ce qu’est la souffrance c’est bien lui, dont la vie n’est qu’une succession de coups tous plus durs à encaisser les uns que les autres.
Que veut-il dire alors, lorsqu’en termes on ne peut plus clairs, il nous ordonne, en même temps qu’aux Thessaloniciens: “Soyez toujours joyeux”?
Certainement pas que nous nous imposions artificiellement d’afficher en toutes circonstances le même sourire, à la manière d’un bouddha à l’air perpétuellement béat. Encore moins que nous passions notre vie à rire. Que deviendrait alors notre ressemblance à Christ, dont la Bible nous dit qu’il fut aussi un homme de douleur? Et que serait-il advenu de notre compassion, cette générosité de l’âme qui nous impose de faire nôtres les larmes de notre prochain?
Non. Mais plutôt que nous fassions ce qu’il faut pour qu’abonde toujours en nous ce fruit majeur de l’Esprit qu’est la “joie chrétienne”.
Par quoi nous entendons cette joie qu’a fait naître dans notre cœur le salut qui nous a été accordé, et que renouvelle en nous chaque jour, jusque dans les moments les plus difficiles de notre existence, l’Esprit de Dieu, en nous rappelant la ferme et glorieuse espérance qui est la nôtre en Jésus-Christ, l’inestimable autant qu’impérissable héritage qui nous est réservé dans le ciel.
À ses amis philippiens, Paul écrit —Philippiens 4.4: “Réjouissez-vous toujours”, et il ajoute: “dans le Seigneur!”
La joie dont il parle est donc bien une joie dont le sujet premier et dernier est à jamais le Seigneur: sa personne, d’abord —grave et lumineuse à la fois, son œuvre, ensuite, passée, présente et à venir —parfaite et décisive.
D’où l’importance, pour nous qui voulons accomplir pleinement la volonté de Dieu en étant joyeux, toujours, de retourner régulièrement à lui, Christ, source unique de la joie qui, jamais, ne meurt: à la fois pour nous laisser aller à nouveau à la contemplation recueillie de ses perfections éblouissantes, et pour prendre le temps de nous remémorer patiemment, toutes les grâces qui nous ont été accordées en lui: élection, rédemption, justification, adoption, glorification… et j’en passe
Afin que, quoi qu’il nous arrive, notre joie demeure; cette joie proprement “surnaturelle” que le monde ne connaît pas, mais que l’Esprit fait resurgir en permanence en nous tous qui avons fait l’heureuse expérience de l’amour de Dieu en Christ.
Nous pourrons chanter alors ces beaux couplets de César Malan*:
Je la connais cette joie excellente/ Que ton Esprit, Jésus, met dans un cœur;/ Je suis heureux, oui, mon âme est contente,/ Puisque je sais qu’en toi j’ai mon Sauveur.
Que puis-je donc désirer sur la terre,/ Puisque je suis l’objet de ton amour?/ Puisque ta grâce, ô Sauveur débonnaire,/ Dès le matin me prévient chaque jour?
* César Malan (1787-1864), Sur les Ailes de la foi, 376. Petites précisions lexicologiques : “débonnaire” et “prévient” sont des termes anciens qu'il convient de traduire ici par “d'une extrême bonté” et “entoure d'égards”.